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25 octobre 2012 4 25 /10 /octobre /2012 11:59

Un dimanche ensoleillé, quelque part vers le bassin d’Arcachon. Mémé Nénette, la grand-mère maternelle de mon père, célèbre ses 90 ans. Toute la famille est là, venue des quatre coins de la France pour l’occasion. On se voit tellement rarement que j’avais même oublié que certains de mes cousins avaient eu des enfants (qui ont pourtant tous déjà entre trois et six ans). Je me demande même si je l’ai jamais su…

 Nous sommes tous attablés dans le grand jardin de Mémé et Pépé. Le vin coule à flot, l’ambiance est conviviale, les enfants courent partout. Nous sommes en tout et pour tout trente-trois adultes. Chiffre impair, me direz-vous…

PARCE QUE JE SUIS LA SEULE CELIBATAIRE DE LA FAMILLE.

Je n’avais pas envie d’aller à cette fête pour cette raison. J’en ai déjà assez avec les regards mi moqueurs et mi emplis de pitié de certains de mes collègues à longueur de journée… Tous en couples, mariés, avec enfants, tous bien entrés dans le moule et moi, le mouton noir perdu en plein milieu. Si mon obsession pour Jérôme (échaudée depuis l'annonce de sa future paternité, tout de même) n'était pas de notoriété publique, je suis sûre que certains se plaieraient même à bavasser que je suis lesbienne... 

Malheureusement, avec la famille, c’est pareil. A vrai dire, c’est même pire.

Eux aussi sont tous en binôme, évidemment, pour le meilleur mais aussi pour le pire. C’est effrayant de constater comment certaines personnes sont prêtes à être tout par peur de la solitude ou pour éviter le rejet de la société, se fondre dans la masse, rentrer dans ce fameux moule, au prix de douloureuses contorsions et concessions.

Comme ma cousine Gladys, par exemple. Elle fait partie de ces personnes superficielles qui préfèreraient mourir dépecées vivantes par Hannibal le Cannibale plutôt que rester seules plus de quinze jours d’affilée. Alors elle sort avec n’importe qui, du moment qu’il accepte de vivre avec elle dans la semaine qui suit leur premier rendez-vous. Son dernier copain en date s’appelle Stéphane. Une bonne dégaine de playboy, une conversation aussi profonde qu’un cours d’eau dans le Sahara en temps de grande sècheresse. Peu importe, tant qu’elle ne porte pas la honteuse bosse du célibat sur ses épaules, Gladys est prête à tout. (En plus, c’est pas pour être méchante, mais elle non plus, elle a pas inventé la poudre.)

Trois envies de meurtre plus tard – la dernière contre la femme de mon oncle Pilou, qui vient de me poser LA question tant redoutée par toutes les trentenaires célibataires, mais que toutes les femmes mariées et déjà mères de huit enfants se font un plaisir de poser, par pur sadisme, évidemment « Alors, Myriam, quand est-ce que tu nous fais un petit, toi aussi ? », à laquelle j’ai répondu (dans ma tête, bien sûr) « Et toi, Jeanette, quand est-ce que tu t’occupes de ton lifting de la langue, vielle peau ? » - je vais me refugier dans la cuisine auprès de ma tante Agnès. C’est la sœur de mon père, et je l’ai toujours considérée comme ma deuxième maman.

- Eh ben, ma puce, me lance-t-elle, tout en coupant le pain avec rapidité et précision, ça n’a pas l’air d’aller…

- Cette réunion de famille est un cauchemar, soufflai-je en m’adossant contre le réfrigérateur. J’ai l’impression de jouer dans « Alien, le trente-troisième passager », avec moi dans le rôle-titre.

- Mmm… Dur dur, d’être seule, hein ? Mais tu ne vois pas quelqu’un en ce moment ?

- Ah ça ! m’exclamai-je en repensant à Benoît, garçon rencontré via ce merveilleux outil qu’est internet il y a environ deux mois. Pour se voir, on s’est vu… Mais on n’a jamais dépassé le stade du contact visuel, justement. Ca n'a pas non plus marché avec Aurélien, ni avec Kevin, ni avec Alex… (j’omets volontairement de lui préciser qu’avec eux, j’ai tout de même largement dépassé le stade de la partie de scrabble, ce qui ne m'a rien apporté de plus, au contraire, je dois bien l'admettre). Je sais pas, tatie… C’est tellement facile de rencontrer du monde, mais trouver la bonne personne, celle qui fait battre notre cœur, celle qui nous fait sourire quand on pense à elle, celle avec qui tout semble facile… C’est de suite plus difficile.

- Tu sais, ma fille, me dit-elle sur un ton grave, interrompant son maniement intensif du couteau à pain, le Grand Amour, tout ça, ça ne produit que dans les films. J’ai épousé Michel à vingt-six ans. A l’époque, c’était très tard pour une fille. A un moment, il a fallu que je me décide, parce que porter cette étiquette de « vieille fille », ça n’était plus possible. Et je n’ai pas été malheureuse. Michel est adorable. J’ai bien vécu, je n’ai jamais manqué de rien. J’ai eu des enfants, une belle maison, tout ce qu’on peut espérer de la vie.

Après quelques secondes de suffocation mentale – je m’attendais à tout sauf à ça de la part de cette femme pourtant intelligente et sachant vivre avec son temps -, je parviens à m’insurger :

- Mais c’est horrible, ce que tu me dis ! Tu as épousé un homme que tu n’aimais pas ! Tu n’as peut-être pas été malheureuse , mais tu n’as pas dû être heureuse non plus… C’est affreux de passer sa vie avec quelqu’un qu’on n’aime pas ! Et tu es en train de me suggérer de faire comme toi ?!

- C’est à toi de voir, Myriam, me lance-t-elle sèchement avant de sortir, la panière de pain à la main : soit tu rentres dans les rangs, soit tu assumes ta situation sans te plaindre. Ca n’est pas de ma faute si tu es difficile.

Je reste collée au frigo, sidérée et déçue par sa réaction. C’est à ce moment-là qu’entre le petit Romain, huit ans. Il se plante devant moi et me lance, comme s’il me demandait de lui passer le sel :

- Eh, Myriam, , comme t’as pas d’amoureux , Stéphane m’a demandé de te demander si tu voulais devenir bonne sœur ou si tu aimais les femmes ou les animaux.

Mon sang ne fait qu’un tour. Ni une ni deux, je m’en vais rejoindre le reste des convives et file directement en direction de Stéphane, le playboy abruti et lâche de ma cousine. Il me regarde arriver vers lui en pouffant de rire. J’attrape une bouteille d’eau glacée en passant et renverse intégralement son contenu sur sa tête luisante de gel, ce qui a pour effets :

1- de ne plus le faire rire du tout

2- de capter l’attention de tout le monde

Je réponds alors à la question qu’il m’a posée par l’intermédiaire du petit Romain :

- Les trois en même temps s’il le faut, plutôt que de m’accoupler avec un gros débile comme toi ne serai-ce qu’une seule fois dans ma vie.

Puis je lance un regard aussi noir que le charbon au reste de la famille - qui ne comprend rien à la scène - tourne les talons et quitte la petite réunion. Mémé Nénette ne s’apercevra de rien, ça fait déjà une heure qu’elle est partie faire la sieste.

Même le jour où j’ai fait un tonneau en voiture, où un clochard m’a vomi dessus dans la salle d’attente des urgences et où l’interne a oublié de m’anesthésier avant de me recoudre l’arcade suite à l’accident, j’ai passé une meilleure journée. Je ne suis pas près de remettre mon nez dans une réunion de famille. Je crois même que si je me coupais de toute vie sociale, ça serait bien plus salutaire.  

 

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  • : Les nouvelles d'Helene
  • : Les nouvelles d'Hélène, c'est Ma Vie de Rêve, les aventures de Myriam et de son entourage dans la dure réalité de la vraie vie d'adulte, mais ce sont aussi d'autres nouvelles que j'ai écrites ou vais écrire, dans d'autres genres. Bonne lecture !
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